Tout l’hiver, le laurier t’a bravé. Tout l’hiver,
Les deux ifs, s’éventant de leurs franges épaisses,
Tout dit : « N’aimes-tu pas cette fraîcheur de l’air ? »
Et le cèdre était vert, le cyprès était vert,
Et les bambous avaient des gestes d’allégresse,
Et le palmier jouait à l’oasis…
Et le lierre en habit vert bouteille, et la mousse
En laine vert grenouille, et l’herbe vert maïs,
Te narguaient, en couvrant le sol brun d’une housse,
Où le givre cousait des boutons de cristal…
Et le magnolia de faïence vernie,
Le fusain compassé, le yucca de métal,
Regardaient avec ironie
Tes rameaux grelottants… Le buis même, le buis
Des bons vieux jardinets de presbytère,
Semblait fat et repu sur un morceau de terre
Large comme la main et l’ « artichaut des puits »
Encadrait le bassin de roses agressives…
Et tous disaient : « Voyez, grâce à nos feuilles vives,
Ce n’est jamais l’hiver, jamais l’hiver ! »
Et devant toi, si découvert,
Si nu, si maigre, avec de petits doigts si frêles,
Je m’arrêtais, ne sachant plus…
Mon arbrisseau léger, dont le front chevelu
Frisé par la brise de mer aux tièdes ailes,
Prenait là-bas, dans le soleil, un vert si doux,
Un vert qui se teintait de rose à tous les bouts
Dès que le temps des fleurs ouvrait sa boîte à poudre
Et son étui de rouge parfumé –
Faudrait-il se résoudre
À ne plus voir ton fin visage ranimé ?
Ah ! qu’ils m’importent peu, les autres, les tenaces,
Les toujours verts, si tu dois rester nu !
Comprendront-ils jamais ce qu’il y a de grâce,
De charme délicat dans tes bourgeons menus
Lorsque tu ressuscites,
Mon tamaris, pour qui l’hiver est bien l’hiver…
D’avoir tremblé pour toi, comme on se penche vite
Sur ce premier duvet imperceptible hier,
Et comme on t’aime pour ce vert, ce tendre vert
Si miraculeusement neuf, d’après l’hiver…