« Sabine Sicaud : Poèmes »
Denis Périer in La Nouvelle Revue Française
1er mars 1959, 7e année no 75, pp. 533-534.
Voici tous les poèmes de Sabine Sicaud, dont les premiers, Poèmes d’Enfant, ont paru en 1926, préfacés par Mme de Noailles. Sabine Sicaud est morte deux ans plus tard ; elle avait quinze ans.
Une fillette dans une gentilhommière, La Solitude, près de Villeneuve-sur-Lot. Mais, dans cette « solitude », la vivante compagnie des bêtes, des arbres et de chaque heure du jour – merveilleuses découvertes, que l’enfant nomme et célèbre avec autant de fraîcheur dans le regard et la voix que de souplesse dans le rythme :
J’ai rencontré le chêne,
Le vieux chêne aux abeilles.
Il a toujours le cœur ouvert, mais moins d’abeilles,
Moins de miel semble-t-il au fond de son cœur noir… 1
Soudain (est-ce à la suite d’une piqûre d’insecte ou d’un bain glacé ?) un mal mystérieux s’empare de la jeune fille, la dévore et, après quelques mois de souffrances, la tue. Angoisse, plaintes, cris, appels, brefs espoirs : les poèmes de la maladie, si émouvants par leurs thèmes et leur sincérité, sont d’une moins pure qualité poétique. Éloquents certes, habiles, mais déjà la virtuosité menace. Mme de Noailles et Edmond Rostand se font sentir plus que jamais ; Aragon s’annonce. Reste que ces voix prennent un accent singulier chez une fille de quinze ans, qui meurt.
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1 : Extrait du poème « Le chemin du chêne » in « Le chemin des arbres », Les poèmes de Sabine Sicaud, Paris, Stock, 1958.