Bonnets et maillots de bain dans les années 1920
Voyez… voyez, la mer, comme un étang,
Se jaspe de fleurs vives :
Nénuphars éclatants,
Rouges nélumbiums, iris jaunes des rives…
Le vent du large semble avoir fauché cela
Pour le jeter, dans le vieux port, en moisson folle.
Moisson qui danse au chant des vagues, farandole
De corolles aux tons de flamme. C’est bien là,
Dites, l’Espagne toute proche ?
J’ai cru voir un champ de lotus, au pied des roches,
Et ce sont les oeillets de Carmen, regardez !
Les pétales en bas, ils dansent !
Renversés, luisants d’eau, sur l’écran bleu, ridé
Par mille petits rires, leur présence
Est la gaîté du beau soir basque, lamé d’or.
Cocardes aux couleurs de quel toréador ?
Pompons de mules montagnardes,
Petits vases vernis et ronds, je les regarde
Et je cligne des yeux, et ne veux rien savoir
Des visages cachés sous les dômes de soie.
Cheveux blonds ? Cheveux noirs ?
Qu’importe ! Dans la joie
De ces reflets qui semblent
Se prendre par la main pour mieux bondir,
Je songe à l’invisible fil qui vous rassemble,
Ô gais ballons d’enfants ! – Lanternes de saphir,
De rubis, de topaze et d’émeraude ;
Fruits d’Aladin, autour de qui des poissons rôdent
Et que la vague, à coups furtifs, poudre d’argent ;
Coquillages magiques, surnageant
Au bout de tiges qu’on prétend de chair humaine,
C’est de loin que vous me plaisez, jouant au creux
De cette vasque rousse et calme du Port-Vieux !
Un écho de jazz-band vous mène…
Et, du haut des falaises, me penchant
Sur l’anse verte, mauve, rose et rouge,
Dans le faux jour oblique du couchant,
C’est vous encore que je vois, taches qui bougent,
Derniers petits bonnets prenant leur vol,
Oiseaux-fleurs de ce châle à franges et ramages
Dont, elle aussi, pour mieux avoir l’air espagnol,
Se pare, à son heure, la plage…
Biarritz, septembre 1925