Illustration Lucille Veilleux.
Peut-être un hérisson qui vient de naître ?
Dans la mer, ce serait un oursin, pas bien gros…
Ici, la boule d’un chardon – peut-être
Ou le pompon sournois d’une bardane
Ou d’un cactus ? Mais non, dans le bois qui se fane,
Dans le bois sans piquants, moussu, discret et clos,
Cette chose a roulé subitement, d’en-haut,
Comme un défi… parmi les feuilles qui se fanent.
Allez, j’ai bien compris. C’est la saison.
Les geais, à coups de bec, ont travaillé dans l’arbre.
Même les parcs où veillent, tout pensifs, les dieux de marbre,
Ont de ces chutes-là sur leurs gazons.
Marron d’Inde là-bas, châtaigne ici. Châtaigne
Rude et sauvage, verte encore, détachée
Par force de la branche où les grands vents, déjà, l’atteignent
Le vent et les geais ricaneurs, et la nichée
Des écoliers armés de pierres et de gaules.
Comme il faut se défendre ! Sur l’épaule
De la douce prairie en pente, l’on pouvait
Glisser un jour, à son heure, qui sait ?
Et se blottir dans un coin tiède, pour l’hiver…
Ah! Pourquoi tant d’épines, tant d’aiguilles,
Tant de poignards dressés, pauvre peloton vert ?
Une fente… Voici qu’un peu de satin brille
Et le cœur neuf est là, dessous, et rien ne sert
D’être châtaigne obscure, âpre au goût, si menue !
Fendue, on est une châtaigne presque nue…
Et le coup de sabot sur la tête viendra,
Et le couteau pointu, l’eau bouillante, le pot
Qui sue avec de petits rires, des sanglots
Dans les tisons trop rouges ; tout sera
Comme il est dit en l’ordinaire histoire des châtaignes.
Et vous ne voudriez pas, quand me renseigne
Dans la ville brumeuse, un cri rauque : « Marrons tout chauds ! »
Quand j’aperçois, joufflus, blêmes, sans peau,
Ou craquelés et durs avec des taches de panthère,
Les frères de ma sauvageonne, tous ses frères
Vous ne le voudriez pas, que j’évoque, là-bas,
Un vieil arbre perdant ses feuilles rousses,
Et me souvienne du choc sourd, lourd, lourd comme un glas,
De pauvres fruits tués qui tombent sur la mousse ?