Les autres sont des gens.
Les autres sont des femmes,
Les mains pleines d’argent,
Pleine de bonheur, l’âme.
Moi, je suis dans le bois
Qui ne sait, une Source.
Je suis l’Eau qui ne boit
Personne dans sa course.
Je suis l’Eau qui jaillit
De l’ombre. La tendresse
Qu’au secret des taillis
Emporte sa détresse.
L’Eau née avant le jour
Pour qu’au sec de la terre
A son limpide amour
Un cœur se désaltère.
L’Eau pâle qui plus tard
Que le soir coule encore.
L’Eau de pauvre regard
Dont chaque larme implore.
Je suis l’Eau d’aujourd’hui
Et demain qui ruisselle
Pour rejoindre celui
Qui n’a pas besoin d’elle.
Je suis l’Eau qui se perd
En vain vive, en vain pure,
En vain bonne à travers
De trop seules verdures.
Je suis celle qui court
Pour qu’enfin son Eau meure
La Source qui toujours
Aura soif et qui pleure.
in Michel Manoll, Marie Noël,
Éditions universitaires, Paris (1962)
Ce poème inédit fut d'abord publié sous le titre « Source »
dans son dernier recueil de poèmes : « Chants des temps irréels »
in Chants d’arrière-saison (1961)