Sabine Sicaud

Les arbres sont encor dépouillés de verdure,
Mais les plus diligens... on dit les plus coquets...
Bravant les derniers coups de vent et de froidure,
          Se couvrent déjà de bouquets.
Ne vous semble-t-il pas qu'au matin d'un dimanche,
          Les amandiers et les pommiers,
          Pour être vêtus des premiers,
Ont, tout en s'éveillant, mis leur chemise blanche ?

          L'hiver s'enfuit ; mais sur le sol
Traînent encor les plis de sa robe glacée,
Quand déjà dans les airs l'alouette élancée
          Prélude au chant du rossignol.

          Nous sommes à la mi-Carême,
          À la veille du gai Jeudi,
          Où, sous le beau ciel du midi,
          L'amour se présente au baptême.
          Tout s'agite et se met en train,
          Et saint Joseph, dont vient la fête,
          De plus d'un couple qui s'apprête,
          A promis de bénir demain
                    L'hymen.

          Et du sommet de la montagne,
Où notre beau village est posé comme un nid,
          Descent et court dans la campagne
Ce vieux chant qu'à son gré chaque âge rajeunit :

          « Couvrez, mignonnes paquerettes,
          De vos perles, les prés, les champs ;
          Et que l'air soit plein de vos chants,
          Vives et gentes alouettes ;
             Car le long de ce chemin,
             Contre son amant pressée,
             Vous verrez passer demain
             Jeune et belle fiancée. »

Extrait du chant 1 de L'aveugle de Castel-Culié (1854)

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