« Hommage à Sabine SICAUD »
par Jacques LABOREL, alias « Dago » (2009)
Elle avait au berceau reçu ce don royal
Que l'enfant a parfois, mais que l'âge nivelle
De parler avec l'eau, la plante et l'animal
Et de faire chanter en vers les coccinelles
Elle avait cet amour des feuilles et des branches
Cet oeil qui sait percer le rocher et la nuit
Les étoiles du ciel ruisselaient de ses manches
Et coulaient de ses mains comme un fleuve ébloui
Fragile et lumineuse au milieu des roseaux
Penchée sur le marais où la grenouille chasse
Enfantine et savante elle charmait les mots
Qui venaient sagement se prendre dans ses nasses
Elle aurait pu sans peine arriver au pinacle
Elle aurait pu d'un mot rabaisser les plus grands
Elle aurait pu dompter les plus doctes cénacles
La mort l'a arrêtée au matin de son chant
Car la mort fit son nid d'une blessure infime
Envahissant son corps de son horrible odeur
De cadavre ambulant, immonde puanteur
D'un mal qui de nos jours nous paraîtrait minime
Mais elle, fièvre au front, corps brûlant, gorge sèche
Chanta jusqu'à la fin sa souffrance et son mal
Dans des vers embrasés d'incandescent cristal
Dans des strophes de feu pour un verre d'eau fraîche
Mais comment pourrions-nous, si loin de notre enfance
Ayant vécu, aimé, avec ou sans douleur
Concevoir un instant l'ultime incandescence
Du génie enchaîné d'une enfant qui se meurt ?
Mais nous pouvons rêver, dans nos nuits de voyance
Qu'une enfant morte et vive aux grands yeux d'Océan
Nous visite parfois, oiseau dans l'arbre immense,
La mémoire des morts qui remplit le Néant.