Voici l'heure où le pré, les arbres et les fleurs
Dans l'air dolent et doux soupirent leurs odeurs.
Les baies du lierre obscur où l'ombre se recueille
Sentant venir le soir se couchent dans leurs feuilles,
Le jet d'eau du jardin, qui monte et redescend,
Fait dans le bassin clair son bruit rafraîchissant ;
La paisible maison respire au jour qui baisse
Les petits orangers fleurissant dans leurs caisses.
Le feuillage qui boit les vapeurs de l'étang
Lassé des feux du jour s'apaise et se détend.
— Peu à peu la maison entr'ouvre ses fenêtres
Où tout le soir vivant et parfumé pénètre,
Et comme elle, penché sur l'horizon, mon coeur
S'emplit d'ombre, de paix, de rêve et de fraîcheur...
In Le coeur innombrable (1901)